Quand le mod Skyrim vire au chaos entre accusations et scandales de dons

Les personnes qui consacrent bénévolement leur temps à la modification et à la mise à jour d’anciens jeux sont parmi les plus généreux des développeurs. Ainsi, lorsqu’un drame éclate, il n’y a pas que des courriels irritants et irritants, il y a aussi le sentiment qu’une communauté est trahie ou qu’on profite d’elle. Un récent conflit au sujet des travaux sur le classique Skyrim, qui a fait l’objet d’un renouvellement perpétuel, peut sembler anodin, mais pour les personnes concernées, il s’agit d’un bouleversement énorme.

On serait tenté de balayer cette histoire comme une vague agitation de forums geeks. Pourtant, la réduire à cette caricature serait se priver d’une lecture bien plus large : chaque raté, même discret, éclaire ce qui érode la confiance dans le travail collectif en ligne.

Regardons ce qui se passe dans la ruche des créateurs de mods pour Skyrim. Inlassablement, ces passionnés enrichissent le jeu culte : nouveaux objets, cartes repensées, refontes du gameplay. Cette activité continue sans relâche. Rien d’étonnant : si Bethesda, l’éditeur, laisse un large champ d’action aux moddeurs, il livre aussi des jeux souvent imparfaits. Les bricoleurs bénévoles comblent alors les lacunes, offrant aux joueurs une aventure plus riche et plus stable que celle du jeu original.

Dans cette effervescence, le Skyrim Script Extender (SKSE) occupe une place à part. Grâce à lui, l’univers s’élargit de façon spectaculaire : interactions avancées, objets et personnages non joueurs capables de comportements d’une finesse bien supérieure à ce que Bethesda avait prévu. Par exemple, un PNJ sensible aux caprices du temps, alors que le jeu original l’ignorait : c’est SKSE qui rend tout cela possible. Ce projet, librement distribué, refuse les dons, préférant voir son code circuler, modifié, amélioré par la communauté entière.

Sur un autre front du modding, un projet d’envergure fait parler de lui : Skyrim Together. Depuis 2013, son équipe s’acharne à doter Skyrim d’un mode multijoueur. Le défi technique est colossal, l’attente du public ne faiblit pas. Leur appel aux dons par abonnement mensuel connaît un succès retentissant, avec une communauté active prête à soutenir leurs avancées. Mais quelques années plus tôt, le développeur principal de Skyrim Together avait intégré une version modifiée du code de SKSE sans respecter la licence, ce qui lui a valu une interdiction de l’utiliser à l’avenir.

Récemment, un simple contrôle du code source a suffi à relancer la tension. La preuve est apparue : du code SKSE figure encore dans Skyrim Together, sans mention des auteurs d’origine, et malgré l’interdiction initiale. Mais ce n’est pas tout : pour tester la version bêta fermée du mod, seule une contribution financière permet d’accéder à l’accès anticipé. Derrière le terme de “don”, difficile de ne pas y voir une monétisation déguisée.

Côté Skyrim Together, on joue l’apaisement : il s’agirait d’un oubli, d’un reliquat de code resté là par mégarde. Correction promise au prochain patch. Mais pour beaucoup, cette justification ne convainc pas. Le projet affirme avoir remplacé SKSE par libSkyrim, sauf que ce dernier s’appuie, lui aussi, sur le travail original de SKSE. Ignorer cette parenté semble plus que douteux. Aucun crédit décerné à libSkyrim non plus, un faux pas qui fait tache dans le monde du logiciel libre.

Ce genre de confusion pourrait n’être qu’une maladresse. Sauf qu’en demandant de l’argent pour un code reposant, au moins en partie, sur un travail communautaire non rétribué, Skyrim Together franchit une limite. Ici, la question des licences open source est d’autant plus brûlante.

Le débat ne se situe pas sur le principe du partage ; au contraire, toute la logique de l’open source s’appuie sur la refonte et la transmission du travail existant. Mais ce mouvement repose sur autre chose : respect, reconnaissance, règles partagées. Quand ces piliers disparaissent, l’édifice s’écroule.

Impossible de jeter la pierre à l’ensemble de l’équipe ST, ni aux joueurs qui la soutiennent. Les témoignages d’enthousiasme affluent, l’engagement est palpable, les dons récurrents en témoignent. Mais pour que cette flamme survive, chaque membre doit pouvoir compter sur la transparence et l’intégrité du collectif.

L’opacité dans la gestion du code soulève deux écueils. Premier point : la difficulté à distinguer qui a contribué à quoi, et à quel usage aboutit chaque ligne. Ensuite, c’est la confiance qui vacille. Dès lors qu’un projet sollicite la générosité de sa communauté, la moindre faille dans le respect ou l’éthique peut tout remettre en question.

Ce genre d’affaire ne date pas d’hier. Dans le vaste monde de l’open source, surveiller l’utilisation de son code, veiller à ce que les apports bénévoles ne finissent pas exploités de façon douteuse, relève quasiment de la routine.

Peut-être que la poussière retombera, excuses et correctifs à l’appui. Mais à chaque controverse, la vigilance du collectif s’affûte. Reste le souvenir inscrit dans les fichiers : rien ne s’efface pour de bon.